« Edou nous a fait changer notre vision de la relation client »

Alors que les applications mobiles fleurissent de partout, Cofordis s’est entretenu avec Vincent Didon – Directeur Général d’Omaria, société conceptrice d’Edou, l’outil intelligent qui établit votre liste de courses à votre place.

Cofordis (C) : Vincent Didon, Edou en 2 mots c’est quoi ?
Vincent Didon (VD)
 : Edou c’est la liste de courses préparée à l’avance par le commerçant pour chacun de ses clients, pour l’aider à ne rien oublier quand il vient en magasin et lui montrer les promos du moment en rapport avec ses besoins.

Cofordis (C) : En quoi Edou a chamboulé votre stratégie de développement.
Vincent Didon (VD)
 : on a pensé et développé Edou au format application pour smartphone avant de le tester dans 2 magasins E.Leclerc. Très vite on s’est rendu compte que l’on plafonnait à 800-1000 téléchargements par magasin, parce que les clients ont déjà trop d’applis.

C : L’app fut une erreur de « casting Â» en quelque sorte ?
VD :
Je pense plutôt que c’était un premier step nécessaire mais pas suffisant pour assoir notre idée de vrais listes de courses intelligentes ! Cette app nous a permis de montrer que nous étions techniquement sérieux et pas seulement porteurs d’une simple idée. Une app qui fonctionne, dispo sur les stores, téléchargée et utilisée par des clients, ça nous a donné du crédit.

C : Pourquoi l’application Edou n’était pas suffisante ?
VD :
Parce que même si les utilisateurs trouvaient ce service de liste de courses super pratique, on galérait pour faire augmenter le volume de users ! Et l’intérêt d’un service, d’une innovation qui ambitionne d’animer la relation client doit démontrer sa capacité à être adopté rapidement et massivement par les clients du magasin.

C : Comment vous avez-fait pour booster l’innovation Edou ?
VD :
D’abord on a écouté les clients en magasin : 90 % de retours positifs lorsqu’on proposait un service permettant de proposer une liste de courses prédictive et personnalisée ! Mais aussi une large majorité qui ne voulait pas d’une application dédiée. Ils préfèrent rester dans leurs applications qu’ils utilisent habituellement au quotidien sur leur smartphones.

C : Il fallait donc intégrer Edou en tant que service dans l’application de l’enseigne ?
VD :
Edou s’est effectivement adapté pour pouvoir intégrer l’app « mon E.Leclerc Â» mais pas seulement. En parallèle nous l’avons aussi positionné sur l’environnement digital le plus naturel du client : sa boite mail qu’il consulte naturellement. Dorénavant la liste de courses personnalisée est envoyée au client, sur son mail, 48 heures avant de venir en magasin.

C : Donc, la liste de courses est mise à dispo du client à la fois via une app et aussi par email ?
VD :
En fait, on a mis le service en face de deux attentes différentes. On répond ainsi aux clients qui souhaitent utiliser une application sur leur smartphone mais aussi et surtout à tous ceux qui n’y sont pas encore ou qui ne veulent pas y aller : sans rien faire ils reçoivent leur listes au bon moment, quand ils prévoient de retourner en magasin.

C : Edou capte le client dans son environnement digital pour l’amener vers le magasin physique,  c’est du Drive-to-store ?
VD :
Si on considère que le Drive-to-store vise à générer du trafic en magasin en utilisant les nouvelles techno, c’est bien ça. Et côté magasin c’est mesuré : les magasins Edou constatent une progression de chiffres d’affaires de + 3.75%. Ceci dit, on peut aussi qualifier Edou de démarche Drive-to-web car 10.50% des clients passent par leur liste Edou pour accéder aux catalogues en ligne et au site web du magasin.

C : selon vous Edou aura bientôt atteint son potentiel maximum ?
VD :
Edou a décollé, ça y est et on est entre 8000 et 15000 listes/mois et par magasins selon son nombre de clients opt(in). La liste de courses Edou est devenu un nouveau média qui s’adresse aux clients lorsqu’ils pensent à ce qu’ils doivent acheter : c’est l’idéal pour diffuser des messages et développer la relation client en dehors du magasin. C’était le but initial notamment avec la perspective de la diminution drastique des distributions de prospectus papier !

C : alors avec un peu de recul une app pour la relation client c’est une bonne ou mauvaise idée ?
VD :
Ce que je ressens, c’est qu’il y a une vraie mode à faire des applis. Chacun crée son application. Mais aujourd’hui, objectivement, on peut avoir 60 applications sur son téléphone, en réalité, on ne se sert que de 4 ou 5 tous les jours. J’ai la sensation qu’il existe beaucoup d’applis mais qu’elles sont sous-utilisées.

C : alors pourquoi faire des applis ?
VD :
c’est tellement facile une appli ! Tu fais ton application, tu la propose et tu demandes au client de faire l’effort de comprendre ton appli, de se mettre lui au niveau de ton mode de communication. C’est chaud ! Qui n’a pas galéré en utilisant l’appli de sa banque ? Et puis l’application d’Ikea n’est pas comme celle de Conforama, ou d’EDF: le système d’identification est toujours différent, les menus, et il faut s’y adapter et c’est un vrai frein. L’application peut être la plus belle du monde, si le client n’y va pas ; elle ne sert à rien. C’est comme avoir le plus beau magasin du monde placé au milieu du désert : aucune utilité !

C : l’envoi d’un mail serait donc plus percutant que d’aller sur une appli ?
VD
 : La question ne se pose pas en termes de techno. La bonne solution c’est celle qui sera adoptée naturellement par l’utilisateur final. Pour Edou, on avait des clients utilisateurs de l’appli de l’enseigne et donc potentiellement intéressés d’y retrouver dedans un vrai service d’aide pour leurs listes de courses et on a aussi des clients qui ne sont pas utilisateurs de l’application « mon E.leclerc Â». Pour eux il fallait positionner le service dans leur environnement digital évident : le mail. Cette double approche a été très importante car elle a développé très rapidement l’usage de la liste de courses : selon les jours on observe que 30 à 45% des listes envoyées au clients avant leurs venues en magasin sont utilisées lors de ses achats.

C : la technique de l’emailing n’est-elle pas plus risquée, les clients peuvent se lasser de recevoir des mails ?
VD :
avec l’email, c’est nous qui prenons la parole, avec la responsabilité de déterminer quand nous le faisons ! Si le mail est envoyé au bon moment, avec les informations qui concernent le client, là c’est tout bénef ! Si l’on envoie un email dont le client n’a pas besoin, au moment où il n’en a pas besoin, nous serons vite vus comme des spammeurs, et cela se passera très mal.

Donc il y a une vraie responsabilité, et chez omariA, c’est ce que nous avons réussi à faire. Envoyer des mails avec des informations pertinentes, avec un bon timing, pour une relation client qui développe le CA du magasin.

C : en fait, construire une relation client dans le digital c’est un vrai métier !
VD :
tout à fait ! Il faut aller là où sont les gens et tout le monde n’a pas les codes. Il faut savoir quoi dire, quoi faire, le faire bien et surveiller que ça aboutisse. C’est très vertueux, mais ça marche bien. Nous avons dû le faire et maintenant nous savons. Et cette approche est très innovante dans le monde du retail: nous sommes les seuls à le faire. Les magasins avec qui nous travaillons ont réalisé que l’on s’adressait individuellement à chacun de leurs clients, du vrai « one to one Â» ! Ce que les grands faiseurs d’emailings ne font pas.

C : pour conclure, quel est l’enjeu de la démarche d’omariA?
VD :
Quel que soit le secteur d’activité, l’enjeu est d’arriver à bien comprendre, à bien cerner les utilisateurs, d’intégrer leur mécanique, les points essentiels pour eux. Si on fait un focus sur la grande distribution, le point important est de s’adresser au client avant qu’il soit en magasin, pour qu’il revienne et qu’il ait conscience de tout ce que son commerçant lui offre. Et si on zoome sur le point de vente, le plus important c’est de valoriser son offre, d’apporter des réponses opérationnelles facile à l’arrêt des prospectus papier ou la poussée des concurrents du e-commerce, de booster le commerce, tout simplement !