Dark, le monde du commerce est dark

Après les Dark Kitchen, fleurissent maintenant les Dark Stores.
Mi supermarché mi entrepôt, Cofordis s’interroge sur ce phénomène qui a explosé avec la pandémie, et met un coup de projecteur sur ces magasins de l’ombre. 

Légal ? Pas légal ?

Telle est la question !
Juridiquement parlant, les Dark-Stores sont des «objets juridiques non-identifiés » !
Bien qu’autorisés, contrairement aux Dark Kitchen, difficile de les ranger dans une case : un magasin a pour vocation de présenter et de vendre des produits à des clients, alors que l’entrepôt doit stocker des biens.
Entrepôt et commerce ne sont de plus, pas régis par les mêmes règles : un entrepôt ne peut généralement pas être construit en centre-ville.

Les Dark Stores jouent sur cette ambiguïté, arguant que l’organisation de ces espaces est calquée sur celle des magasins, et que c’est le commerce qui va vers le client et non le contraire.
Pourtant, Monoprix a bien un client : Amazon, qui s’appuie sur cette enseigne pour répondre aux commandes passées sur son site.

Quel avenir ?

Il y a fort à parier que, comme pour les Drive, une justification juridique sera trouvée. Il est évident que la « présentation de biens » n’est aujourd’hui plus uniquement physique : « l’ubérisation » du commerce en est la preuve. Les écrans ont une place prépondérante dans les achats, y compris pour les enseignes ayant des magasins physiques.

Les habitudes de consommation changent et les Dark Stores apparaissent comme la meilleure des réponses à l’omnicanalité et aux contraintes des distributeurs: rationalisation des commandes, rapidité de livraison, optimisation de la supply chain ; ce concept permettrait de rester compétitifs.

Des « tueurs » de commerce ?

Accusés de faire mourir le commerce physique, les spécialistes du retail opposent que ces 2 modèles se complètent : les Dark Stores ne proposent pas la même chose que les hypermarchés et ne répondent pas aux mêmes besoins (courses complémentaires, horaires décalés).

Le cabinet de conseil IGD, spécialisé dans le retail alimentaire, table sur une croissance de 20,4% par an de l’e-grocery, entre 2018 et 2023, soit une valeur commerciale totale de 375 milliards de dollars. Ce chiffre est calculé sur le Top 10 des pays où les supermarchés en ligne sont très nombreux. Leader de ce classement la Chine, suivie des États-Unis. 4 pays européens sont représentés : le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Espagne.

La situation en 2022

En février 2022, seules 3 entreprises avaient obtenu le statut de « licorne », soit une valorisation supérieure de plus d’1 milliard d’euros : le turc Getir créé en 2015 (1,05 milliard de dollars), à égalité l’espagnol Glovo (2014) et l’allemand Gorillas (2020), chacun à 1,3 milliard.

Des enseignes, références de la grande distri, s’impliquent dans ces Dark Stores. Carrefour a pris des parts dans Cajoo et a développé « Carrefour Sprint » qui livre en 15mn.
Casino mise sur Gorillas. Son entrée au capital permet à Gorillas d’utiliser sa centrale d’achat et donc de diffuser les produits Monoprix. En contrepartie, Gorillas leur donne 70% de son catalogue. Les 2 entreprises ont également créé un service de livraison garantie en 10mn pour Franprix et Monoprix.

Un futur incertain ?

Alors que 10% des français font déjà leurs courses en ligne, ce format a indéniablement un avenir. Mais la crise économique actuelle fait que le seuil de rentabilité n’est pas atteint. Ces commerces s’appuient sur des remises, de grosses levées de fonds permettant d’injecter de l’argent frais pour survivre ; le phénomène Covid les avait jusqu’à présent boostés en faisant exploser le e-commerce et tout ce qui s’y rattache de près ou de loin.
Aujourd’hui, il semble évident que cette crise mondiale (avec de l’inflation à près de 10% en France), va perdurer. Les clients cherchent à se nourrir avec des moyens financiers en baisse, et leur faire payer ce nouveau service semble compliqué.
Au vu de cette situation économique, les investisseurs deviennent plus frileux.

Bannière en berne pour Gorillas et Getir

Gorillas supprime 300 emplois, se recentre sur ses 5 marchés les plus rentables (dont la France), et réfléchit à toutes les stratégies envisageables sur les autres (Belgique, Italie, Danemark, Espagne).

En octobre dernier, la start-up allemande avait annoncé sa dernière levée de fonds (860 millions d’euros).    
Le turc Getir, la « licorne » à 12 milliards de dollars, tape encore plus fort : 4 480 licenciements, soit 14% de ses effectifs !
Ces chiffres ne comptabilisent pas les contrats de prestataires de livraison non renouvelés… Bien que décriés car ils favoriseraient la sédentarité, et actuellement très déficitaires, ces Dark Stores misent sur une « sélection naturelle » de leurs concurrents pour inverser la tendance.
Pilier du quick commerce, ils se positionnent comme une réponse aux nouvelles manières de consommer, et permettent d’atteindre une clientèle de proximité.
A ce jour, 80 Dark Stores sont comptabilisés en France, répartis entre Paris, Bordeaux, Toulouse, Lyon et Lille.

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